THOMAS BAUMGÄRTEL

 

Thomas Baumgärtel * 1960, Rheinberg (Bas-Rhin)
Vit et travaille à Cologne

Cette capacité chère à l’art d’observer la vie d’un point de vue original, tout comme celle de livrer des pistes de réflexion alternatives et des contenus dont le prolongement n’a d’égal que l’attrait de l’emballage, Thomas Baumgärtel la comprime en un symbole visuel percutant : une banane d’un jaune lumineux, sprayée au pochoir, que l’on peut désormais découvrir dans les espaces publics du monde entier, sur les murset les portes d'entrée de nombreuses institutions d’art. Elleest considérée comme un label de qualité et un certificat d’authenticité pour les lieux qui offrent à l’art un cadrenovateur et engagé. Cette réduction sous forme de tag est donc une garantie de qualité. Recherchée comme symbole, elle n’est pourtant pas achetable et représente une évaluation purement subjective de l’artiste. Ce symbole percutant fonctionne avant tout comme signature et stratégie publicitaire pour le nom de « Sprayeur de bananes », alias Thomas Baumgärtel1. Pour autant, le tag tel que l’artiste l’a pratiqué n’as pas toujours suscité l’enthousiasme : dans une vaste documentation que Baumgärtel met ici à disposition, l’on peut prendre connaissance pour la première fois de toutes les plaintes qui ont été déposées, et même d’un ordre de détention provisoire. Depuis 1986, Baumgärtel a conçu plus de cent cinquante variations de tags de bananes. Dans la Metamorphose der Spraybanane, une installation qui croît et se modifie sans cesse, des logos et autres emblèmes connus diffusés à l’échelle internationale sont mêlés à la banane taguée, selon un processus d’appropriation artistique : si la signification première de l’original reste reconnaissable, elle est remaniée avec humour, relookée de manière comique, comme issue de la mémoire collective de l’univers commercial pour être sprayée dans le monde de l’art2. Complété par quelques traits, le fruit évoque le clairon postal, tandis que la banane tachetée d’ocelles fait penser au Festival du film de Locarno, et celled’Esculape au symbole des pharmaciens. Cette faculté de modification du fruit s’exprime aussi dans les symboles de la consommation sous forme d’un M jaune : tantôt il apparaît comme signe du dollar, tantôt comme celui de l’euro.Il vamême jusqu’à devenir un symbole étatique en prenant l’apparencedel’aigle impérial, enlacé par le marteau et la faucille. Une simpletorsion de la banane, et voilà que la perspective bascule, qu’une idéologie se transforme en son contraire : inflexion et rupture comme potentiels de l’art.
sm

1 Baumgärtel 1988 ; on peut prendre connaissance des textes, des images et des projets de banane sprayée sous www.bananensprayer.de.
2 Au sujet du projet des sursvaporisations des Anciens Maîtres, cf. Bananesprayer 2004 avec un texte de Dorothee Baer-Bogenschütz.

Texte de: Silvia Mutti
(Ausstellungskatalog "BRANDING" 2006, Kunsthaus Centre PasquArt Schweiz)